Il n’y pas si longtemps, les imprimantes 3D étaient énormes et coûtaient les yeux de la tête, ce qui explique qu’elles étaient confinées (habituellement sous bonne garde) dans les laboratoires ultra-secrets d’entreprises immensément riches aux intérêts parfois inquiétants.

Makerbot Replicator.jpgMais depuis quelques années, les prix dégringolent et la fabrication automatisée à domicile se démocratise, tant et si bien que les imprimantes 3D sont devenues, au cours des derniers mois, les coqueluches de le geekosphère. À chaque semaine ou presque, un nouveau projet épatant voit le jour, qu’il s’agisse de bricoler une pizza capable de survivre à un voyage sur Mars ou de fabriquer une voiture pièce par pièce à partir de quelques briques de matières premières. Et à une échelle plus modeste (ou plus raisonnable!), un nombre croissant d’enthousiastes et de petites entreprises s’en servent pour fabriquer des prototypes, des pièces de rechange difficiles à trouver, des figurines rigolotes, ou même des gâteaux!

Comment les imprimantes 3D fonctionnent-elles? Qu’utilisent-elles comme «encre» matérielle pour fabriquer toutes sortes de produits? Et surtout: que pourriez-vous faire avec ces appareils, chez vous ou dans l’atelier de votre petite entreprise, rapidement et simplement?

Voici un tour d’horizon de «l’état de l’art» qui vous donnera peut-être envie de faire le saut…

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D’abord, quelques définitions

L’impression 3D consiste à transformer des concepts dessinés sur ordinateur en objets réels, grâce à un robot qui «sculpte» l’objet en superposant des couches de matières premières — un peu comme une imprimante traditionnelle superpose des lignes et des dessins sur papier.

L’avantage? Absolument tout ce que l’on imprime en 3D peut être personnalisé puisqu’il suffit d’ajuster le fichier avant la fabrication. Vous voulez des pièces de Monopoly bleues et quatre fois plus grandes que la normale? Pas de problème… Et si ce dont vous avez besoin n’existe plus ou n’est pas facile à trouver en magasin, l’impression 3D pourrait même vous sauver des semaines de recherches infructueuses.

(Photo d’objets imprimés en 3D: S. Zillayalli, Wikimedia Commons)

La petite histoire de l’impression 3D

C’est une entreprise américaine qui revendique la paternité de la «stéréolithographie» (SLA), la première forme d’impression 3D. Un procédé dont la commercialisation remonte à… 1989, mais qui était alors utilisé seulement dans la grande entreprise. L’extension «.sla», l’équivalent du .docx ou du .pdf pour les fichiers destinés à l’impression 3D, fait d’ailleurs référence à cette technologie.

Il a fallu attendre 2009 avant que les premières imprimantes 3D destinées au grand public ne fassent leur apparition sur le marché — et encore, «grand public» est sans doute exagéré puisqu’il fallait assembler et souder ces appareils soi-même, le manufacturier n’offrant alors que des «kits» de pièces détachées.

dodeca.jpgAujourd’hui, on nous propose des imprimantes 3D qui fonctionnent à peu près aussi simplement qu’une imprimante ordinaire: il suffit de créer un fichier qui définit l’objet à créer (ou d’acheter ce fichier sur un marché de plus en plus florissant), de charger l’imprimante avec les matériaux requis, et d’attendre que le robot assemble ce que l’on veut. On voit même apparaître des «numériseurs 3D» qui analysent un objet et calculent automatiquement la méthode à suivre pour en fabriquer des copies.

(Photo à gauche: Brewbooks, Flickr, licence Creative Commons)

Quoi faire avec une imprimante 3D?

En deux mots: n’importe quoi! L’imagination humaine n’a pas de limite, et l’impression 3D a permis à de nombreux créateurs de laisser l’inspiration les guider dans des directions parfois inspirantes et parfois insolites. Voici quelques exemples qui ont attiré mon attention au cours de la dernière année.

L’inspirant

Difficile de rester insensible devant l’histoire de Leon McCarthy, un jeune garçon né avec une malformation à la main. Le père de Leon a trouvé, sur Internet, le design d’une prothèse articulée à imprimer en 3D; la prothèse suit les mouvements du poignet pour ouvrir ou fermer la main. Le plus beau: les créateurs du design de cette prothèse l’avaient publié gratuitement, ce qui a permis au père de Leon de la fabriquer pour moins de 10$ de matériaux alors qu’une prothèse traditionnelle peut coûter mille fois plus cher.

La prochaine étape, que certains chercheurs tentent de franchir le plus rapidement possible: imprimer des organes à transplanter à des personnes malades, par exemple en fabriquant des matrices en plastique autour desquelles on pourrait faire «pousser» de vraies cellules de reins ou de foies. Ne soyez pas surpris si de telles réussites sont annoncées très bientôt.

L’avenir du design industriel

La recherche industrielle et le prototypage ont été les premiers domaines d’usage de l’impression 3D, et les entreprises ne font que commencer à en tirer tous les bénéfices. Par exemple, voici Urbee, une voiture écologique dont la carrosserie est imprimée en 3D, ce qui permet à ses concepteurs d’optimiser sa performance aérodynamique à l’ordinateur avant même que la voiture ne soit prête à rouler:

De nombreuses entreprises utilisent l’impression 3D pour créer des prototypes de leurs nouveaux produits en quelques heures, les tester, apporter les correctifs nécessaires et recommencer le processus. On peut donc accomplir en quelques jours ce qui prenait parfois des mois auparavant.

L’imprimante 3D en éducation

Pour un étudiant en génie ou en architecture, l’utilité d’une imprimante 3D est évidente. Mais même à l’école primaire ou au secondaire, la possibilité d’imprimer en quelques minutes une reproduction d’un fossile ou un modèle d’une molécule complexe pourrait constituer des atouts considérables pour l’apprentissage.

Plusieurs observateurs s’attendent d’ailleurs à ce que les écoles achètent des imprimantes 3D d’ici quelques années, en profitant des prix à la baisse.

Et si on veut tout simplement s’amuser?

N’ayez crainte: pas besoin d’être un crack de l’informatique pour imprimer en 3D chez soi. Si le design d’objets en 3D vous intimide, sachez que l’on peut trouver sur Internet une foule de designs, souvent gratuits ou vendus pour moins d’un dollar, qui permettent de fabriquer des figurines, des bijoux, des outils de tous les jours, etc. Voici, par exemple, un hibou trouvé sur Thingiverse (crédit: Cushwa). Pas mal, non?

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En attendant d’avoir votre propre imprimante, vous pouvez déjà profiter des efforts d’autrui en achetant des produits imprimés en 3D. Si vous êtes amateurs de Donjons et Dragons et d’autres jeux de rôles, voici les Steampunk Dice: un ensemble de sept dés imprimés en 3D soit en plastique, soit en métal. La version plastique est légère et pas chère mais est plus décorative qu’utile puisque les dés ont du mal à rouler, mais les dés en métal sont parfaitement fonctionnels.

Enfin, si vous cherchez un look spécial pour un party à thématique futuriste ou pour l’Halloween, la compagnie TheLaserGirls utilise l’impression 3D pour fabriquer des ongles en plastique conçus pour être portés pendant quelques jours.

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L’appétissant

Si bien des imprimantes 3D utilisent du plastique ou de la colle chaude comme matière première, ce n’est pas le cas de tous les appareils de cette catégorie. Voici Chef-Jet, un appareil destiné aux pâtissiers professionnels et capable d’imprimer de la nourriture à partir de chocolat, de sucre à glacer et d’autres bonbons succulents!

Conclusion

L’impression 3D est encore au stade où se retrouvait l’informatique en 1980: un champ d’activité prometteur mais encore réservé à quelques initiés. Aurons-nous tous des imprimantes 3D chez nous dans cinq ans, comme nous avons tous maintenant des ordinateurs et des téléphones intelligents? Rien n’est certain, mais disons que peu de technologies semblent promises à un aussi bel avenir…

François Dominic Laramée
Tour à tour concepteur de jeux vidéo, chroniqueur et scénariste à la télévision, journaliste, blogueur, auteur de 4 livres publiés aux États-Unis et scripteur pour la scène, FDL travaille dans le domaine des médias depuis 1992. Il est bien fier de détenir un doctorat en histoire et deux maîtrises, mais n’a cependant jamais accroché aucun de ses diplômes au mur de son bureau.